À la table des hauts sommets de l’écologie, les grands dirigeants en costume-cravate se bousculent. Mais au quotidien, où sont les hommes ? Yann et Martin racontent l’impact de leur entourage féminin sur la genèse de leur engagement écologique.
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“J’ai toujours été très féministe, et je pense qu’il y a clairement un lien entre féminisme et écologie”. Pour Martin, 33 ans, l’écologie a commencé sous l’oeil bienveillant d’une femme. Élevé dans une famille “déjà pas mal engagée”, le jeune père de famille dit avoir été largement influencé par sa sœur. “C’était elle, la plus écolo de la maison”. A l’âge adulte, il rencontre ensuite sa femme qui le conforte davantage dans son engagement.
Après deux ans et demi passés au Québec, “un pays plus avancé que la France sur la démarche zéro déchet notamment”, Martin commence à intégrer de nouvelles habitudes dans son quotidien. Courses en vrac, plus de plastique ni de livraisons. “C’est sûr que ça prend beaucoup plus de temps d’être écolo. Mais aujourd’hui, c’est moi le plus écolo de ma famille”, plaisante-t-il.
En 2014, par souci de cohérence avec ce nouveau mode de vie, Martin devient végétarien. Après la naissance de son enfant, il commence à se renseigner sur la collapsologie. C’est l’idée selon laquelle la civilisation va s’effondrer, ayant trop pollué et usé de ses ressources. “Je pense qu’aujourd’hui, personne ne peut ignorer les conséquences du réchauffement climatique. On choisit de l’ignorer sciemment”. Chef d’entreprise dans le conseil, il dit parfois subir les railleries des dirigeants avec qui il travaille. “Je pense que beaucoup d’hommes ne sont pas encore prêts à accepter la complexité que peut représenter l’écologie”.
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“Si j’avais été une femme, je pense que ce changement de vie aurait été considéré comme normal”
Pour Yann, 27 ans, le chemin vers un mode de vie plus soucieux de l’environnement a aussi débuté ailleurs, bien loin de la France. En 2016, il se “prend une claque” face à l’abondance de coraux sans vie, alors même qu’il explorait la Grande barrière de corail en Australie. “Pour la première fois, j’ai été mis face à la réalité. Je participais à rendre plus vulnérable un écosystème que je venais admirer”. Assez rapidement, des liens se font dans son esprit, et Yann se questionne quant à l’impact de l’alimentation sur l’écologie. “Je n’ai pas de voiture et je ne suis pas un grand fan de shopping, mais je pouvais impulser des changements sur mon alimentation. Cet aspect-là de mon quotidien, il fallait absolument que je le révolutionne”. Tout comme Martin, le jeune homme finit par cesser complètement de manger de la viande.
Pour son entourage masculin, cette décision ne fut pas anodine. Lui qui fréquentait autrefois les kebabs et autres fast-food sans trop réfléchir dû se heurter à des remarques “pas méchantes”, mais pas agréables pour autant. “Dire que tu te soucies du bien-être des animaux, c’est encore très associé à quelque chose de féminin. Si j’avais été une femme, je pense que ce changement de vie aurait été considéré comme normal”.
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Détaillant un lien privilégié avec sa mère, et largement encouragé par sa compagne, Yann, 27 ans, l’affirme : “J’ai clairement été éveillé à l’écologie grâce aux femmes”. Naturellement empathique, le jeune homme dit avoir été rapidement sensibilisé aux injustices que connaissent les femmes, avant même de s’intéresser à un mode de vie plus éco responsable. “Malheureusement, je pense que c’est aujourd’hui encore la femme qui prend la charge mentale d’aménager le quotidien en cas de révolution écolo. Pour un homme, ça semble plus évident d’aller faire un don chez Greenpeace plutôt que de changer sa façon de consommer.” Une étude britannique révélait que 71% de femmes essayaient davantage de changer leur quotidien, contre 59% d’hommes. C’est ce qu’on appelle “l’eco-gender gap”, terme qui désigne les disparités entre genres par rapport à l’écologie.
“Dans l’écologie aussi, il faut casser les stéréotypes de genre”
Un constat partagé par Elodie Vieille Blanchard, présidente de l’Association végétarienne de France. Pour elle, ce processus plus lent d’engagement chez les hommes résulte des injonctions liées à la performance. “De manière générale, on encourage davantage les hommes à se tourner vers des carrières lucratives, des activités liées au prestige”. Les femmes, elles, auraient plus de facilité à accompagner leur carrière d’une activité associative, et prendraient plus le temps de mettre en place des actions pour rendre leur quotidien plus éco responsable.
Dès l’enfance, les dés sont déjà jetés pour de nombreux petits garçons et de nombreuses petites filles. “Le petit garçon va tirer sur son copain avec une fausse arme, asseoir sa domination. La petite fille va jouer à la maîtresse ou à l’infirmière.” De fait, les femmes seront davantage sensibilisées au respect de l’autre et à la prise de responsabilités. Lorsqu’il s’agit de végétarisme, l’écart se creuse encore davantage. Au sein de son collectif, 100% des salariées sont des femmes, et la majorité des adhérent.e.s le sont aussi. “Il n’y a qu'à regarder les publicités : la viande est encore largement associée à la masculinité. Dans l’écologie aussi, il faut casser les stéréotypes de genre”.
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L’écologie, bientôt unisexe ?
Comme Yann et Martin, de nombreux hommes développent une conscience écologique, agissent, s'investissent. C'est particulièrement vrai dans la jeune génération, mais pas seulement. Parfois bien enfouie, sous des couches de préjugés, mais cette conscience existe. Pour déconstruire ces préjugés, il peut être intéressant de se renseigner sur l’écoféminisme. Ce courant considère qu'il existe des similitudes et des causes communes entre les systèmes de domination et d’oppression des femmes par les hommes et les systèmes de surexploitation de la nature par les humains.
Pour cela, Elodie Vieille Blanchard recommande la bibliographie de Carol J. Adams, et particulièrement l’ouvrage Politique sexuelle de la viande, une théorie critique féministe végétarienne. Sinon, le Kaba recommande Après la pluie - Horizons écoféministes de Solene Ducretot ou la revue graphique ReSisters de Jeanne Burgart Goutal. Sur Youtube, on vous recommande le podcast "Défendre nos territoires” d’Arte ou la prise de parole d’Emilie Hache sur Mediapart.
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