Consommer moins et mieux, mettre en place des gestes verts à la maison, au bureau, conscientiser ses actions quotidiennes,… ces changements sont formidables et il faut les saluer ! Mais ils peuvent aussi apporter avec eux leur lot d’angoisses, de culpabilité, le sentiment de ne jamais en faire assez.
Entre petits pas et grandes angoisses, Le Kaba vous donne quelques pistes pour ne pas tomber dans la culpabilité face aux enjeux environnementaux.
Crédits : Anna Shvets - Pexel
Selon l’Observatoire de la consommation responsable, les enjeux environnementaux prennent une part importante dans la consommation des Français : 59% d’entre eux disent les prendre en compte dans leurs choix de consommation. 46% d’entre eux croient aussi en l’impact des actions individuelles, en seconde position après l’action de l’Etat et avant le rôle des grandes entreprises 1.
À certains égards, c’est une bonne nouvelle. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir agir et consommer différemment. Mais n’est-ce pas trop de pression ? Doit-on faire peser le poids du réchauffement climatique sur les épaules des citoyens ?
Nous vous parlions déjà de la charge morale liée à l’écologie et portée majoritairement par les femmes, mais il convient aussi de mentionner le risque de culpabilité et de sur-responsabilité qui peut peser sur chacun de nous.
Qu’est-ce que la consommation responsable ?
La consommation responsable c’est vouloir consommer selon ses valeurs et agir en accord avec son mode de pensée. Plus globalement, elle regroupe les pratiques de consommation dans lesquelles « l’individu prend en compte les conséquences publiques de sa consommation privée et utilise son pouvoir d’achat pour induire des changements dans la société » (Webster)2.
Consommation responsable et culpabilisation des citoyens
À force d’être confronté à des discours négatifs, à des chiffres catastrophiques sur les enjeux climatiques et la biodiversité, certaines de nos actions les plus simples peuvent nous faire culpabiliser. Craquer sur un jean neuf, jeter les restes oubliés dans le frigo, acheter des gâteaux dans 15 000 emballages plastiques… la liste est longue. Les marques le savent et en jouent, soit pour nous amener à consommer de nouveaux produits “éco-responsables”, soit en reportant sur le consommateur la responsabilité de recycler (comme la campagne de Coca-Cola “Help us recycle”3)
De nombreuses études ont montré la récurrence des sentiments négatifs… en particulier chez les personnes se considérant qui font déjà le plus d’efforts ! Ce qui pousse ces individus à consommer mieux, c’est surtout leur éducation et leur propre morale, la pression sociale n’a qu’un impact modéré4. C’est pourquoi les individus qui consomment déjà de façon responsable sont les plus enclins à ressentir une culpabilité ou une rumination suite à un achat considéré comme “déviant” ; sentiment beaucoup moins présent chez les autres consommateurs. Par exemple 54% des personnes se considérant comme consommateurs responsables ressentent une culpabilité à prendre l’avion, contre 11% chez les autres consommateurs5.
Oui, le consommateur a le pouvoir de choisir. Mais tout ne doit pas reposer sur ses épaules. C’est le rôle des Etats de légiférer et c’est aux entreprises de prendre des mesures qui respectent l’environnement (via les RSE notamment). La victoire de “Notre affaire à tous” début 2021 qui a obtenu le jugement de l’Etat Français pour inaction climatique marque une avancée dans la reconnaissance de cette responsabilité6.
Crédits : Anna Shvets - Pexel
Comment utiliser son éco-anxiété comme un moteur plutôt qu’un frein
La culpabilité est certe un sentiment négatif mais elle peut amener à faire réagir. Selon Aurélien Graton, maître de conférences en psychologie sociale, “Elle est nécessaire, encore plus actuellement : heureusement qu’on a conscience des dégâts sur l’environnement occasionnés par l’homme, et qu’on sait que la planète ne se réparera pas toute seule”.
C’est cette culpabilité qui permet à chacun de changer son mode de vie au quotidien et faire un peu plus pour la planète. Par exemple, la prise de conscience des effets négatifs de nos achats peut amener les consommateurs à “voter avec leur portefeuille”. En clair : utiliser leur pouvoir d’achat comme un moyen d’action7. Et ça, c’est super !
Mais dans certains cas, la culpabilité et le sentiment d’impuissance deviennent trop lourds et peuvent mener à des pathologies comme l’éco-anxiété ou la solastalgie, un sentiment d’impuissance face au constat de changements rapides et irréversibles sur l’environnement.
Prendre conscience des petits pas
Crédits : Pexel - Pixabay
Même en étant super engagé, en faisant ses courses en vrac, en circulant à vélo tous les jours et en ayant uniquement des produits ménagers fait maison chez soi, il arrive de craquer pour un burger de fast food ou une paire de chaussure made in China. Il ne faut pas se flageller pour autant. Le plus important c’est de comprendre le sentiment de culpabilité qui suit ce genre de pratique et de le relativiser face aux autres actions que l’on peut mettre en place. Cela ne veut pas dire mettre ses valeurs de côté, mais être tolérant avec soi-même (et les autres aussi).
Il faut aussi reconnaître les gestes verts déjà mis en place et toutes les petites actions du quotidien qui limitent notre impact individuel sur l’environnement.
… Et surtout ne pas oublier que tout ne repose pas sur les individus et citoyens ! Les Etats et les grandes entreprises ont aussi - et avant tout - le devoir d'agir pour faire face aux défis sociaux et environnementaux qui se dressent devant nous.
La légende du colibri
Un jour, il y eut un immense incendie dans la forêt amazonienne. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Tous, sauf le colibri. Avec son bec, il prend quelques gouttes d’eau de la rivière et s’envole pour aller les verser dans les flammes. Puis il revient à la rivière et repart, encore et encore, aussi vite qu’il le peut.
Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : “Colibri! Tu n’es pas fou? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu?”
Alors Colibri suspend son vol un instant et répond :”Je sais que je ne vais pas y arriver seul, mais je fais ma part.” Sans plus attendre, il repart vers les flammes.
Les animaux se regardèrent étonnés, puis l’imitèrent. Finalement, prenant de l’eau dans leurs becs, leurs museaux, leurs pattes, tous les animaux s’élancèrent vers l’incendie. Mais l’histoire ne dit pas s’ils ont réussi…
Regardez ce que vous faites déjà, plus que ce que vous devriez faire pour être parfait, comme le Colibri devant sa forêt en flammes.
- Observatoire de la consommation responsable, analyse détaillée, Janvier 2021, CITEO.
- Webster(1975), cité dans François-Lecompte Agnès, « La consommation socialement responsable : oui mais… », Reflets et perspectives de la vie économique, 2009/4 (Tome XLVIII), p. 89-98.
- Younes Boussena, “Comment les industriels exploitent notre mauvaise conscience”, 16 décembre 2020, dans Socialter.
- Sophie Martin, Stéphanie Montmasson, Fabien Rogeon, “« J’AI CRAQUÉ…MAIS JE N’EN SUIS PAS FIER… » :LORSQUE LE CONSOMMATEUR RESPONSABLE DEVIE DE SES NORMES PERSONNELLES”, disponible sur HAL.
- Observatoire de la consommation responsable, analyse détaillée, Janvier 2021, CITEO.
- A lire dans Le Monde.
- Travaux sur le boycott cité dans : François-Lecompte Agnès, « La consommation socialement responsable : oui mais… », Reflets et perspectives de la vie économique, 2009/4 (Tome XLVIII), p. 89-98.
- Légende du Colibri racontée par Pierre Rhabi, disponible sur Le Zéro Déchet Pratique.
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