Abandonnée dans les années 80 au profit des emballages à usage unique et jetables, la consigne des bouteilles en verre pourrait faire son grand retour. Cette pratique, qui consiste à rapporter son contenant en verre en échange d’une petite somme d’argent, permet de réutiliser les bouteilles plutôt que de les jeter. Une solution qui séduit de plus en plus de marques et commerces. Alors prêt.e pour le retour au consignable ?
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La consigne, comment ça fonctionne ?
Lorsque vous achetez un contenant consigné, vous payez quelques centimes de plus pour l’emballage ou le bocal. Cet argent vous est rendu lorsque vous retournez le récipient vide dans un point de collecte. C’est donc une solution assez économique pour nous, consommateurs ! Au lieu de payer pour un emballage que nous allons jeter ou mettre au recyclage après une utilisation, il est ainsi possible de récupérer une partie de notre dépense de base tout en permettant au contenant d’avoir une seconde vie. Une fois récupérés, les contenants sont envoyés dans des unités spécialisées de nettoyage. Les étiquettes y seront enlevées, les bouteilles nettoyées et triées, avant d’être renvoyées dans les usines de reconditionnement afin d’être remplies de nouveau.
Quand on sait que plus de 45% des emballages sont encore en verre aujourd’hui, il y a un intérêt majeur à essayer de réutiliser les contenants plutôt que de les recycler ou jeter.
La consigne est donc une solution avantageuse économiquement et environnementalement parlant lorsque la logistique est optimisée.
Comment en est-on arrivé à zapper la consigne ?
Dans les années 60, c’est le début des emballages en plastique, une solution qui séduit rapidement industriels et consommateurs. Les ancêtres des services marketing actuels vantent le mérite de ces contenants jetables à tout bout de champ ! Leurs arguments : les emballages plastiques sont plus hygiéniques, plus légers que le verre, ils facilitent la vie des ménages et font le bonheur des publicitaires qui peuvent les personnaliser. Quant aux bouteilles et bocaux de verre, ils sont récupérés en petits morceaux et recyclés. La pratique de la consigne se perd peu à peu.
Malgré les préconisations de l’OCDE en 1980 pour un retour à la consigne, le jetable et le plastique s’imposent décennie après décennie. Les lobbys et groupes de pression défendant les emballages jetables gagnent de l’influence et ont tout intérêt à ce que le grand public soit demandeur de contenants à usage unique. Plus il y a de demande pour les emballages neufs, plus la croissance est au rendez-vous pour ces entreprises.
C’est en 1992 avec l’obligation aux entreprises de gérer la fin de vie de leurs emballages que l’arrêt de mort de la consigne est définitivement signé, sauf dans quelques régions irréductibles et à l’étranger…
La consigne, des avantages sociaux et environnementaux indéniables
La consigne a de nombreux avantages. Avantage économique pour le consommateur qui récupère sa contribution à l’emballage lors de la restitution. Avantage social, grâce à la création d’emplois locaux dans les usines de nettoyage et reconditionnement. Mais c’est surtout sur l’aspect environnemental que la consigne fait figure de bonne élève !
D’abord, la consigne ne nécessite pas de création de nouvelle matière et permet de réduire de 65 à 85% l’impact global du produit2. Les bouteilles peuvent ensuite être réemployées jusqu'à 50 fois, ce qui limite l’usage de matière premières brutes et l’énergie nécessaire au recyclage (le verre doit être chauffé à plus de 1500°C afin d’être remodelé).
Exemple concret avec la marque de bière alsacienne Météor qui a conservé le principe de la consigne. Résultat ; ce système permet d’économiser 76% d’énergie primaire, 79% d’émissions de gaz à effet de serre (GES), et 33% d’eau en moins selon le rapport Deroche3. Les bouteilles sont utilisées en moyenne 19 fois. Or laver les bouteilles consomme 4 fois moins d’énergie que de les fondre et en recréer de nouvelles.
Une condition toutefois pour que la consigne soit vraiment vertueuse… Il faut que les distances entre centre de nettoyage et lieu de reconditionnement soient les plus proches possibles, et ne dépassent pas 300 km idéalement.
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La consigne n’a pourtant pas totalement disparu
La marque de bière Météor citée plus haut est l’une des dernières à avoir conservé un système de consigne. Aujourd’hui encore 30 à 40% des bouteilles sont encore consignées, pour les cafés, hôtels et restaurants notamment. Dans la Région Grand Est on trouve encore des points de collecte dans environ 30% des supermarchés4. En Allemagne, c’est presque 80% des bières qui sont vendues dans des emballages consignés ! Et de plus en plus, dans les magasins vrac, des systèmes de consignes sont instaurés. Des initiatives s’engagent pour son retour. ZeroWasteFrance a par exemple lancé un plan de mobilisation pour le retour de la consigne. Des solutions locales se développent aussi,comme Bout’aBout’ dans les Pays de la Loire, Jean Bouteille dans le nord, ou bien Consilyon à Lyon.
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Zoom sur le vrac liquide
Avec le développement des magasins de vrac, il est de plus en plus commun de trouver des produits du quotidien liquides, vendus sans emballage. Huile, jus, vin, sirop, mais aussi produits ménagers et d’hygiène, sont disponibles dans les magasins de vrac ou sur les sites internet spécialisés.
Pour se servir, rien de plus simple, il suffit d’amener sa bouteille en verre ou son bocal, la peser et la remplir de la quantité de produit désiré. Vous pouvez trouver des bouteilles en verre consignées sur place la plupart du temps. Et si vous n’êtes pas sûr.e d’avoir bien lavé votre bouteille, certains services comme Jean Bouteille, vous proposent de rendre la consigne afin que vous puissiez en utiliser une autre.
Alors à vos bouteilles !
Les freins au retour de la consigne
Même si le développement de la consigne est cité comme un des objectifs du Programme national de prévention des déchets 2014-20205, cela n’est malheureusement pas encore une priorité dans la gestion des déchets en France. Si la consigne a été évoquée timidement dans le projet de loi sur l’économie circulaire en 2019, avec l’ambition de créer des fonds pour le réemploi6, la volonté politique n’est pas encore assez forte pour pousser les industriels à changer leurs modes d’emballage. Parmi les freins au retour de la consigne : les étiquettes sur les bouteilles ! La plupart sont en effet des adhésifs permanents. Or il faut des étiquettes hydrosolubles7, c'est-à-dire qui se dissolvent dans l’eau, pour que les bouteilles soient facilement nettoyables. La multiplicité des formats de bouteilles complexifient également la consigne et il faudrait enfin une conception plus résistante. Bref, le retour de la consigne n’est pas une question simple. Il demande d’investir dans des structures spécialisées pour le nettoyage, à proximité des usines de reconditionnement, et nécessite de repenser l’emballage.
Enfin, reste à motiver les particuliers à privilégier les produits consignés, via une incitation financière…. et/ou par une sensibilisation aux enjeux environnementaux 8. A nous, consommateurs, de voir là une solution d’avenir pour dire définitivement stop au jetable !
Économique, écologique et durable, la consigne a tout bon. Alors avec la mode du vintage, on espère que la consigne redevienne elle aussi tendance, et retrouver l’habitude de rapporter ses bouteilles en verre contre quelques centimes !
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